Et oui je vous l’avais dit, l’interview de Coco La Bijoutisse n’était pas gratuite, elle voulait qu’en échange je réponde à ses questions, et bien voilà…
Vous pouvez lui me rendre visite sur mon blog desperles-desbijoux.net, bon ça fait bizarre, passons aux questions !
– La perle est un domaine dans lequel peu de créateurs masculins interviennent. Quel a été ton cheminement pour y parvenir et depuis combien de temps perles-tu ?
J’ai déjà répondu de nombreuses fois à cette question, mais jamais avec le sentiment que la réponse soit complète, je vais m’appliquer cette fois. Mon parcours scolaire, Bac S, DUT mesures physiques, j’ai poursuivi jusqu’en maîtrise génie électrique et informatique industrielle, illustre que je suis très orienté mathématiques et sciences. Alors le jour où ma conjointe, Laëtitia, est venue me voir avec un pendentif boule fait de perles nacrées cassé, en me disant qu’elle voulait le réparer, j’y ai vu une énigme intéressante, construire une sphère…
Bien sûr nous n’avions rien pour cela, même pas un bout de fil de pêche puisque je n’aime pas ennuyer les poissons, et le coup de ciseau pour démonter définitivement le pendentif nous a dévoilé des perles dans un piteux état.
Mes recherches sur internet m’ont amené sur ebay, une boutique vendait des perles nacrées, du fil de nylon, des perles de rocaille et oeil de chat qui faisaient de l’œil à madame ainsi que du fil élastique pour faire de simples bracelets. Je ne savais pas l’existence des boutiques spécialisées, j’avais peu de respect pour les bijoux de toc des marchés et aussi peu pour ceux des bijoutiers de ville.
Je dévorais des polars par dizaine, le soir sur mon transat, tandis que Laëtitia sur le sien se bagarrait autant avec les nacrées qu’avec le fil élastique. J’ai donc cherché sur le net que faire de ces perles qui ne restaient pas sur ce fil qui refusait de se nouer, et comment faire cette sphère. Je lui ai imprimé des schémas simples glanés ici et là, ils doivent encore traîner quelque part, je me suis imprimé des explications pour le pendentif boule provenant de b&b. Rien ne fonctionnait pour moi comme pour elle, je suis tombé sur le forum bijoux en perles, je m’y suis inscrit pour y poser mes questions. J’y ai découvert une grande communauté, des gens qui faisaient des bijoux comme je n’aimais pas jusque là, sans âme, des choses jolies par accident, destinées à celles qui ont une relation compulsive avec leurs bijoux : acheter et changer tous les jours. Mais aussi et surtout, beaucoup de personnes qui donnaient de la vie à de magnifiques choses, des réalisatrices, des techniciennes, des créatrices, animées par ce qu’elles faisaient, portaient ou vendaient, le bijou n’était plus superficiel, industriel, et ces personnes, sympathiques, correspondaient amplement plus à mon idéal féminin sur le plan relationnel.
J’ai découvert grâce à l’aide qui m’a été donné généreusement sur ce forum que les instructions de b&b contenaient une erreur, j’ai essayé moi aussi de réaliser des modèles pour aider Laëtitia, chacun de notre côté nous faisions, le schéma entre nous deux. L’une de nos plus grandes découvertes a été de comprendre ce que signifiait « croiser le fil dans la perle », on partait de loin !
Je retournais à mes polars, j’imprimais des schémas, on regardait les photos des bijoux transpirants de passion réalisés sur le forum, je me suis découvert une certaine aisance en la matière, tout est allé vite, je progressais, y prenais du plaisir, un soir j’ai senti que je posais pour longtemps mon polar, c’était fin 2009, je ne l’ai toujours pas rouvert !
– T’es-tu senti tout de suite à l’aise dans ce monde essentiellement composé de femmes, soit au travers de ta participation à des forums, soit au travers de tes rencontres ou échanges?
« Oui », ayant fait le choix deux ans auparavant d’être père au foyer, en milieu rural, je ne me sentais pas plus mal à l’aise que je ne pouvais l’être déjà…
Mes premiers pas faits dans le monde des perles étaient sous une identité mixte, je m’étais inscrit au forum évoqué plus haut en tant que couple, et nous étions bel et bien deux devant notre écran, moi seul au clavier. Rapidement j’ai noué des relations chaleureuses et suis devenu l’unique « propriétaire du compte ». Je me suis fait discret, dans le sens où je ne commençais pas mes phrases par un « je suis un homme bonjour », car je ne fais pas de grandes différences entre une femme et un homme. Bien sûr j’ai évité les blagues d’hommes bon enfant, qui passent dans une soirée entre amis, mais pas forcément dans un milieu 100% (à 0.001% près) féminin. J’ai ravalé mes envies de répondre aux femmes qui généralisent sur les hommes. Les autres forums où je me suis inscrit, plus tard, en France, m’ont accueilli de la même façon, sauf un, sa fondatrice ne semblait pas apprécier la présence d’un homme, je n’y suis pas resté. Les forums anglo-saxons où je me suis inscrit sont de vraies usines avec des dizaines de milliers d’utilisateurs, toutes techniques présentes, je suis passé inaperçu parmi tous les hommes inscrits aux rayons pates polymère argent bronze etc.
Donc oui, je me suis senti à l’aise, peu d’efforts à fournir, et une acceptation globalement facile.
Des rencontres j’en ai fait assez peu, et là, je dirai que cela dépend de la personne que je rencontre. Il se créé une relation d’amitié plus facilement quand on a des points communs, si le courant passe, on se retrouve entre potes le plus simplement, en oubliant ma « particularité » [masculin-perles] en ne gardant que mon genre, tout cela dans une relation normale. Mais je ne peux m’exprimer que sur ma perception, il faudrait demander à celles qui m’ont rencontré si elles font une différence, si je devrais me sentir moins à l’aise que je ne le suis.
Maintenant, si je devais me retrouver dans une réunion d’une trentaine de perleuses, je suis confiant… mais aussi lucide, je connaitrai certainement des passages un peu compliqués, il y a toujours une rivalité que j’estime construite par la société qui viendrait semer certains troubles, d’autant que je suis plutôt réac quand je me sens en confiance…
– Y a-t-il des moments particuliers de la journée où tu aimes perler ? Un endroit privilégié ?
(Illustration : Caroline Poulet travaillant l’une de ses admirables sculptures)
J’aime perler au moment le plus interdit. Comme beaucoup, les taches quotidiennes même si elles me plaisent, me pèsent. Si un matin je n’ai pas à préparer de repas et que je peux mettre au bénéfice ce temps récupéré pour les perles, je suis content. Non, je le fais quand je peux essentiellement. Là où je prends le plus de plaisir c’est au printemps, il fait doux et lumineux. Car mon endroit préféré c’est notre véranda, la lumière s’y laisse emprisonner autant que les centaines d’insectes. C’est une pièce à part de la maison, toujours ouverte pour notre chat. Comme lui, je pense, j’aime ce sas mi intérieur mi extérieur. Il y fait trop froid l’hiver, trop chaud l’été, trop vite sombre l’automne, j’ai l’intention d’en faire un vrai labo un jour, j’ai fait l’analyse complète Fend Shui de cette pièce (et de mon Chi évidemment), elle ne se prête vraiment pas au travail des perles pour moi, l’exercice sera difficile. Je m’y mets en fin de matinée, j’ai remarqué que c’était le moment où j’étais le plus inventif, et justement mon analyse Feng Shui conduirait mon plan de travail à ces heures là au meilleur endroit concernant la lumière. En ce moment j’aime la plage 14h30-16h, avant c’était plutôt le soir, mais je sature de mes journées depuis un bail et m’autorise désormais à laisser la place à des soirées glandouille complète.
Je me fais moins jeune et supporte moins le froid, il m’arrive de me réfugier au chaud, mais d’une je m’y sens enfermé, de deux il me manque toujours quelque chose, je dois sans cesse m’interrompre pour aller chercher, du fil, une paire de ciseaux, des perles.
– Quels sont tes questionnements lorsque tu crées un bijou ?
Dans la réalisation comme dans la création, je suis toujours pris d’un doute concernant les coloris, soit parce que je doute vraiment des couleurs, soit parce que toujours à la recherche de la perfection, je me demande s’il n’y avait pas meilleur choix.
Il y a une nette différence entre le travail de jour et à la lumière artificielle, cela m’en rendrait presque lunatique concernant les couleurs.
Généralement je n’aime pas être sûr de moi, avoir trop confiance en soit c’est avancer sans s’attarder sur certains détails, je progresse avec assurance, mais jamais à fond les yeux fermés !
Techniquement, je sais que l’humeur joue beaucoup dans la tension du fil, alors je me questionne beaucoup à ce sujet, et essaye de rester attentif à une constante tension.
Je m’interroge toujours, aussi, sur la mode, que je ne comprends pas, telle une pensée unique il faudrait tous s’habiller d’une façon. Je dois être un marginal, alors forcément je me demande si je suis dans le(s) temps.
Dans la création il y a différentes questions. La plus importante, si je n’ai pas échoué à de multiples reprises auparavant, est de savoir comment je vais faire techniquement pour réussir ce que je veux. Car quand j’ai décidé une forme, elle doit être, et ce avec peu de concessions.
Parfois je me demande si je ne suis pas en train de me taper un délire, si ce que je suis en train d’imaginer plaira à d’autres que moi.
Aimant plaisanter avec la psychanalyse, j’essaye aussi de voir s’il n’y a pas une écriture directe dans ce que je suis en train de faire, et je n’en vois pas, je cherche donc à tenter de lire cet autre moi, ou ce ça, bref le surmoi vient jeter un œil.
(Illustration : sculpture de Caroline Poulet)
Dernier point, la question du « est ce féminin ? » était récurrente, mais est de moins en moins présente. Je suis attentif à ce que l’on pense de mes bijoux, et il est souvent venu la question du choix des couleurs, avec comme réponse un peut être mon côté masculin. Avec le temps, un regard en arrière sur ce que j’ai fait, une exploration avancée de l’univers des autres, je me rends compte que la féminité est à la femme, mais pas uniquement. (Je ne parle pas là de métrosexualité). Et pas à la femme, aux femmes, qui sont toutes différentes. Je ne sais pas si une femme pourrait représenter sous la forme d’un média ce qu’est la féminité, aucun homme n’y est parvenu il me semble, tant en peinture que dans le domaine cinématographique. Les caractéristiques féminines d’un bijou que je fais, doivent être l’altruisme à une certaine dose, bijou pour se faire plaisir mais avant tout pour être beau et égayant les yeux des autres, de la tendresse mise, le porter avec un attachement mais sans contrainte, une douceur, un agréable à tenir dans la main ou à porter sur soi, ni piquant, ni trop lourd, ni déséquilibré, une harmonie qui ne peut s’obtenir qu’avec principalement des formes courbes. En respectant cela, on peut mettre n’importe quelle couleur dans un bijou, donc la réponse donnée « masculin » n’était pas la bonne.
Je le disais, je m’interrogeais beaucoup, et beaucoup moins maintenant. Il est difficile de décrire l’ombre de cette chose invisible que j’aperçois et qu’on appelle féminin, j’ai cherché, cherche encore à le respecter, c’est plus facile pour moi maintenant car je connais certains critères (qui me sont personnels).
Voilà pour aujourd’hui, pas certain de revenir avant 2014, je vous souhaite de passer de bonnes fêtes de fin d’année 🙂
Bravo pour cette très belle interview ! Pour tout te dire, te connaissant personnellement, je te considère, comme une copin(e) perleuse !
Pas de différence entre nous, sauf, que tu as toujours les réponses à mes foules de questions techniques !
Je te souhaite, ainsi qu’à toutes les personnes venant sur ce blog de passer de très belles fêtes de Noël !
Bonjour Celt,
Merci pour ce merveilleux interview et merci pour ce site qui rassure toutes les perleurs débutants et tous ceux qui auraient du mal à se convaincre qu’ils peuvent créer quelque chose.
Joyeux Noël !
Cécile
Je suis d’accord avec toi, la société élève des barrières et définit trop vite ce que les hommes et les femmes ont le droit de faire, cela commence dès le plus jeune âge !C’est malheureux, car cela peut brider la création ! Moi, j’admire tous ceux, sans distinction de sexe, qui réalisent de belles choses avec leurs mains et qui ravissent nos yeux : tu es un de ceux-là. Bravo, Celt, pour cet interview qui permet de te connaître mieux.Joyeuses fêtes de fin d’années à tous,
Soizic
Waouhhhh, tu parles super bien !
Moi je me rappelle qu’au début je te disais « ma belle », tu t’en souviens ?
En tout cas, je suis contente qu’il y ait au moins un homme qui aime faire des bijoux, qui aime les perles ! Et surtout je suis contente que tu sois un copin de blog !
Bisous
Ravie d’en découvrir un peu plus sur toi 😀
J’admire ton travail et tes créations me font toutes rêver (celles de Madame aussi au passage 😀 )
Je vous souhaite, à toutes et tous, de très joyeuses fêtes de fin d’année !!
Bisous bisous
très contente de lire ton interview , cela me permet de mieux te connaitre non seulement tu excelle dans le monde des perles mais te lire est un vrais régal, tu décris les endroits ou tu préfère perler avant tant de passion que l’on t’imagines dans ta pièce, tu pourrai écrire un livre c’est fabuleux !!! dès que tu poste sur ton blog je montre les photos à mon mari en lui précisant que c’est un homme qui l’a crée !!! maintenant il te connais bien et reste toujours très admiratif, merci pour cette page , bravo aussi pour les créations de Mme « celt » bonne fêtes de fin d’année pour toi et ta famille
bises
Très belle interview les amis 😉
Je me suis mise à rire toute seule en relisant et donc en me souvenant qu’au tout début on cherchait effectivement la différence entre « repasser » ou « croiser » (dans la perle)! C’est vrai qu’on partait de loin et, comme souvent, tu es venu à ma rescousse pour cette petite sphère… puis tu es allé plus loin! 💡 Tu fais si souvent cela, presque toujours! C’est tout toi, et je voulais juste dire que je suis très fière de toi et de ta générosité à travers tes blogs et schémas.
J’aspire un jour à organiser autrement la véranda, pour ton art et ton confort… ce qui est loin d’être le cas actuellement, ce qui ne ressort pas tellement quand on te lit, alors je tenais à le préciser. 😳 Et, surtout en plein automne-hiver, la lumière dans la véranda vient davantage de tes bijoux que du soleil si bref! 😎
Merci Coco et merci « Monsieur Celt ».
je suis passée à côté de ce billet 👿 c’est vrai j’était dans mes tricots
la mode Celt çà vas çà viens ,c’est éphémère ,j’aimais mieux la définition de Coco Chanel le style ,le style de quelqu’un c’est beaucoup mieux .
tu as trouver ton style dans tes créations ,sois sûr qu’ils plaisent beaucoup à celle qui les portent pour exprimer le leur .
je suis contente de te découvrir encore un peu mieux ,je me dit que je ne m’était pas trompé sur la personne :sensible et généreuse .
quand à la différence homme femme :nous avons tous au fond de nous ces deux part de personnalité, simplement la société les a codifié
à nous de les laisser s’exprimer .
et merde aux entraves de la société.
merci mon cher Celt de cette interview .
et merci aussi à ta chère Laetitia de nous avoir permis de vous connaître .
gros bikou au petit .